Plan !


par  C. SPAMPINATO
Publication : 16 octobre 1935
Mise en ligne : 15 avril 2006

Nous croyons utile de mettre, sous les yeux de nos lecteurs, le bel article « Plan », paru sous la signature de M. C. Spampinato, dans la revue Comprendre ou périr ! publiée par la section de notre groupe dans l’Afrique du Nord.

On a pu dire que l’année 1935 était une année « planifère » en ce sens que toute une floraison de « plans » visant à enrayer « la crise » a fait son apparition cette année, élaborés par des groupements et des individus.
Le fait est symptomatique. Cette éclosion n’aurait pas eu lieu avec ce formidable ensemble si la nécessité d’un plan ne s’était pas fait sentir ; et, si ces plans ont choisi cette année pour éclore, c’est que le mal y a atteint une acuité hors de pair qui fait songer à son apogée.
Le nombre même de ces plans justifie donc la nécessité d’un plan.
Mais un plan doit être une solution et une solution ne peut être bonne que si elle tient compte de tous les éléments du problème, c’est-à-dire, dans le cas qui nous intéresse, de toutes les causes de « la »crise.
Quels sont ces éléments ?
Pour certains, la mévente. mais la mévente est une conséquence et non une cause.
D’autres s’imaginent que c’est la méfiance. C’est encore une conséquence.
D’autres encore « la corruption des parlementaires », l’immoralité, la baisse des prix, etc.. Ce ne sont toujours que des effets.
La cause, la véritable cause, c’est l’abondance créée par le progrès technique et le machinisme.
Beaucoup l’on déjà reconnu : mais alors, ils n’ont essayé que d’un remède : la destruction systématique de l’abondance.
Mais l’égoïsme même de ceux à qui cette destruction devait profiter s’en est trouvé offensé.
Car, d’une part, chacun ne veut détruire que ce qui est produit par son prochain et , d’autre part, cette destruction ou la limitation du rendement de la production diminue le pouvoir d’achat des consommateurs et, par conséquent, raréfie le client.
Il ne reste donc qu’une seule catégorie de solutions : ce sont les solutions antiégoöstes et anti-individualistes, puisque désormais l’expérience a montré l’interdépendance et la solidarité de tous les individus, même malgré eux.
Mais toutes ces solutions doivent tenir compte, en premier lieu, du fait nouveau qui caractérise l’époque nouvelle : notre entrée indiscutable dans l’ère de l’abondance. Ce fait nouveau appelle des mesures nouvelles, taillées à son envergure. Plus de raccommodage, plus de petitesse, plus de restrictions sordides, plus de déflation, d’inflation, de dévaluation. Il ne s’agit plus d’économiser, il faut, au contraire, largement consommer et profiter de toute l’abondance dont les millénaires d’efforts humains nous ont dotés à jamais.
Ce premier point étant acquis, examinons si le problème peut avoir des solutions financières dans le cadre de l’économie actuelle.
On a déjà essayé de la déflation, de l’inflation, de la dévaluation ; aucune de ces expériences n’a donné un résultat positif, parce que toutes ne consistent qu’à diminuer le pouvoir d’achat des masses, donc à aggraver ce qu’on appelle « la crise ».
Actuellement, on tente de mettre en avant le principe d’un emprunt ou d’un prélèvement sur la capital pour financer de grands travaux, lesquels résorberaient tout ou grande partie du chômage.
Mais pendant combien de temps ?
Est-ce qu’on compte sur le retour des vaches grasses ?
Elles sont paraît-il, déjà bien trop opulentes.
Certains préconisent alors de rendre cette solution permanente en un impôt sur le capital.
Le mécanisme de ce principe est même passionnant :
Vous avez un gros caillot de sang en un point précis de votre corps. Le reste de votre être, exangue, s’atrophie et se meurt, quoique un plantureux repas embarrasse votre estomac et que vous êtes dans un site merveilleux où l’air est le plus pur et le plus vivifiant.
Quel est dans ce cas le rôle du médecin ?
Décongestionner ce point et activer le coeur qui va pomper le sang de caillot pour le refouler et le répartir ensuite partout et ainsi drainer toutes les richesse de votre estomac et de l’air ambiant dans toutes les moindres parties de votre corps.
En terme social, le sang, agent de circulation des richesses s’appelle la monnaie ; le caillot, ce sont les coffres-forts qui figent l’argent. La congestion, c’est la thésaurisation, le trust des capitaux par les grosses banques dirigées par les quelque deux cents magnats de la finance. La pompe aspirante - foulante - coeur est représentée par l’Etat ; le massage, c’est l’impôt sur le capital et le refoulement dans toutes les parties du corps se traduit par la mise en oeuvre de grands travaux, la mise à la retraite, payée, des vieux travailleurs et l’exécution d’un grand programme d’assistance sociale.
Le pouvoir d’achat étant ainsi restitué à tout le monde, les excédents auront tôt fait de se résorber et il faudra de nouveau faire tourner les usines à plein rendement, pour satisfaire tous les besoins accrus qui, désormais, se manifesteront.
Mais que se passera-t-il alors, indépendamment de l’hostilité prévue (et loin d’être négligeable) que va soulever cette opération dans les milieux intéressés ?
Ce prélèvement sur le capital sera probablement, pour être efficace, supérieur ou au moins égal au profit que ce capital donnera à son professeur, au moment de la reprise.
C’est donc, d’une façon détournée, la suppression du profit ou sa limitation à un taux insignifiant.
Mais si cette disparition est inévitable et si on est d’accord pour la légitimer, pourquoi employer ce grand détour ? Pourquoi ne pas la décréter franchement ?
Tout le problème revient alors à trouver un autre mode de distribution des richesses que celui basé sur le profit.
Et voilà à quoi tendent tous nos efforts.
Nous ne visons rien de moins, en effet, par nos études et notre action, qu’à mettre tous les atouts entre les mains d’un gouvernement qui naîtrait d’un mouvement populaire.
« Nous voulons pouvoir dire à ce gouverment, lors de son avènement :
Les hommes sont là ;
Les machines sont là ;
Les matériaux sont là ;
Pour cela, il faut, en quelques sorte, dresser la carte d’état-major économique du pays. »
C’est à quoi s’évertuent le « groupe Dynamo » et « Le Club d’Action Economique ».
Il faut enfin préparer toutes les masses à comprendre les solutions nouvelles qui s’élaborent dans nos commissions, et à se rendre compte qu’elles sont les seules efficaces.
C’est à quoi oeuvrent avec le « Club d’Action Economique », les jeunes équipes de la « Ligue pour le Droit au Travail ».


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