Au fil des jours

Chronique
par  J.-P. MON
Publication : juillet 2014
Mise en ligne : 15 octobre 2014

 Même le FMI…

Mme Lagarde, directrice générale du Fonds Monétaire International, vient de rappeler aux gouvernements des États-Unis et de l’Union européenne les dangers que font courir à leurs économies respectives les politiques monétaires et budgétaires restrictives qu’ils ont mises en place, alors que la croissance mondiale faiblit [1]. Pour les États Unis, le FMI vient en effet de revoir à la baisse (de 2,8 à 2%) sa prévision de croissance pour 2014 et souligne que le taux de chômage officiel (6,3%) ne correspond pas à la situation réelle du marché de l’emploi, il ne prend pas en compte le chômage de longue durée, et ceci se traduit par un niveau de pauvreté élevé.

Pour l’atténuer, Christine Lagarde a plaidé une augmentation du salaire minimum fédéral, bloqué depuis cinq ans à sa valeur actuelle de 7,25 dollars l’heure. C’est « l’un des plus bas » du monde industrialisé, insiste-t-elle.

Elle ne s’est pourtant pas prononcée sur le montant de 10,10 dollars qu’essaie d’imposer le président Obama.

En ce qui concerne l’Union européenne, le FMI a souligné la « complexité » du pacte de stabilité qui tend à « décourager l’investissement public ». Pour Ch. Lagarde, la Banque centrale européenne doit « continuer à donner une impulsion à la croissance ». Elle a en outre précisé : « si l’inflation devait rester obstinément faible, alors nous espérerions que la BCE prenne des mesures d’assouplissement quantitatif par le biais d’achat d’obligations souveraines », c’est-à-dire de la dette des États.

 Le fardeau des réparations

L’historien de l’économie Mark Harrison, dans un document de travail [2] de l’Université de Warwick (Royaume-Uni), démonte un des “mythes” de la Grande Guerre. Selon lui, les “réparations” imposées à l’Allemagne par le traité de Versailles ne furent pas la cause de la crise et de la montée du nazisme au début des années 30. Cette idée, qui est encore très répandue aujourd’hui, a été avancée par J.M Keynes. Harrison démontre que le « fardeau » a été bien plus léger que ce qu’on croit car, d’une part l’Allemagne en a remboursé moins d’un cinquième, et que, d’autre part, à partir de 1924, des prêts américains ont couvert la totalité des remboursements effectués.

Ce qui précipita l’Allemagne dans l’extrémisme est la grande crise financière de 1929. Et, comme le fait remarquer le journaliste P. Seabright [3] ceci « n’est pas du tout réconfortant puisqu’aujourd’hui la moitié des jeunes Grecs et des jeunes Espagnols se trouvent au chômage ».

 Un nouveau gendarme

Sans crier gare, la Chine vient de s’imposer comme un redoutable gendarme de la très sainte concurrence « libre et non faussée », si chère aux technocrates de l’Union européenne. Alors que Bruxelles et Washington avaient donné leur accord pour l’union des trois leaders mondiaux du transport maritime Maersk (Danemark), MSC (Italo-Suisse) et CMA-CGM (France), la Chine s’est opposée à ce rapprochement multinational qui ne concernait pourtant aucune de ses entreprises. Ensemble, ces trois compagnies possèdent 255 bateaux et représentent 37% des capacités de transport maritime mondial - quelquefois bien plus sur certaines liaisons (en infraction “tolérée” par les autorités anti-trust). Sans fusionner, elles envisageaient d’exploiter en commun tous leurs navires sur les liaisons Asie-Europe, Asie -Amérique du Nord et Europe-Amérique, pour leur permettre d’assurer une meilleure gestion de leurs navires et de limiter une guerre des prix entre elles. Pour donner le change, elles avaient prévu de sous-traiter la gestion des navires à un centre opérationnel considéré comme indépendant, basé à Londres. D’où les feux verts donnés par les États-Unis en mars et par la Commission européenne le 4 juin. On n’attendait plus que l’accord de la Corée du Sud et surtout celui de la Chine.

Mais patatras ! Malgré les interventions de responsables politiques européens (dont le ministre des affaires étrangères français), les autorités chinoises ont annulé des réunions qui avaient été prévues, et le 17 juin le ministère chinois du commerce annonçait qu’il bloquait l’opération. Que s’est-il donc passé ? Il semble que, tout communistes qu’ils soient, les Chinois veulent faire respecter scrupuleusement les règles de l’économie de marché : « En matière de concurrence l’apprentissage des Chinois a été très rapide. Leur loi ne date que de 2008, mais ils travaillent de façon très professionnelle en se fondant sur les mêmes critères économiques que Bruxelles ou Washington » [4]. Bien sûr, le commerce maritime est un secteur vital pour la Chine, premier exportateur mondial, mais désormais, et bien que ses interdictions ne soient qu’exceptionnelles, le ministère du commerce chinois n’accepte certaines concentrations qu’à des conditions plus strictes qu’ailleurs. C’est ainsi que les groupes de taille mondiale qui réalisent en Chine un chiffre d’affaires de plus de 50 millions d’euros doivent soumettre leurs projets de fusion ou de concentration au ministère du commerce. L’élève fera bientôt mieux que ses maîtres…


[1Le Monde Eco & entreprises, 22-23/06/2014.

[2Myths of the Great War, Department of Economics.

[3Le Monde Eco & entreprises, 20/06/2014.

[4Me H. Calvet, spécialiste des questions de compétition chez Bredin Prat.


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