Destruction du développement


Publication : février 1988
Mise en ligne : 16 juillet 2009

Tel est le titre de l’ouvrage de Susan George que les éditions de la Découverte sortiront en février prochain.
Susan George est bien connue de nos lecteurs, surtout de ceux qui ont lu le livre de notre regretté ami Franz Foulon, qui la citait beaucoup dans "Vaincre ou périr ensemble".
L’enjeu, c’est l’avenir du TiersMonde. Avec Edward Goldsmith, Suzan George participait le 3 novembre dernier à un débat organisé à la Sorbonne par ECOROPA. Danièle Delcuze qui y assistait nous en a rapporté quelques notes.
Des chiffres, d’abord. La dette pour l’ensemble des pays du monde s’élève à mille milliards de dollars américains, dont 20 pour des achats militaires. Ceux-ci s’élèvent de 12 % par an en Amérique, de 18 % par an en Afrique...
Quand un pays ne peut plus payer les intérêts de sa dette (*), par exemple parce que les cours mondiaux de ses productions ont chuté (ce qui est autant d’économisé pour les pays du Nord), il fait des coupes sombres dans ses budgets de santé, d’éducation, des transports publics (on licencie alors en masse), mais pas dans le budget de l’armement. Le FMI impose des conditions de plus en plus draconiennes pour consentir de nouveaux prêts  : "Augmentez vos revenus et réduisez vos dépenses". Ceci s’effectue au détriment des populations : les denrées peuvent doubler de prix, voire tripler, du jour au lendemain ; le chômage augmente (de 58 % en Argentine, par exemple entre 1983 et 1985) et c’est la misère qui gagne ; en 1972, la malnutrition au Pérou a augmenté de 36 % chez les enfants. Dès qu’il y a un signe de revendication, on prétend que la dette a atteint la limite et que le FMI ne peut plus rien tolérer. Ce qui n’empêche pas les dépenses somptuaires comme celle de cette centrale nucléaire aux Philippines, construite sur un volcan, et pour deux millions de dollars...
Ainsi la dette des pays pauvres est une arme contre l’avenir, et on note une relation étroite entre la croissance de l’intérêt dû par un pays et la chute de croissance de la courbe d’espérance de vie de son peuple.
Cette dette nous affecte tous, ont souligné les orateurs, car elle fait chuter nos exportations et chaque milliard de dollars d’exportation en moins, c’est la perte de 25 000 emplois. Nous sommes tous ainsi embarqués sur un "Titanic" vers une économie mondiale de l’Apartheid.
E. Goldsmidt fut catégorique non, il ne peut pas y avoir de bon développement, la destruction généralisée de l’environnement étant une chose parfaitement admise aujourd’hui par les hommes au pouvoir. On arrive â la désertification, aux éboulements, les bonnes terres ayant été perdues, aux torrents ici, à l’assèchement ailleurs. Des pays qui, il y a encore quarante ans, étaient boisés à 40  %, n’ont plus aucune forêt. La déstabilisation climatique est inévitable, comme en témoignent ces tempêtes "tropicales" totalement nouvelles en Angleterre. On a calculé que là où il fallait 17 minutes pour gagner de quoi acheter un kilo de riz, il faut, cinq ans plus tard, deux heures et 7 minutes.
La dette, c’est la guerre, sous sa nouvelle forme, explique encore E. Goldsmith, en montrant que les Etats-Unis évitent maintenant les guerres spectaculaires télévisées comme celle du Viet-Nam, mais ils fomentent des conflits de plus faible intensité, dirigés contre le Tiers-Monde. Quand les gens se révoltent contre l’augmentation de certains prix, on les tue, dit-il, en citant le Maroc, la Tunisie, l’Argentine. L’organisateur de la guerre au Viet-Nam, Maxwell Taylor, ne disait-il pas "il faut protéger nos biens les plus chers dans le monde (matières premières telles que l’uranium, etc...) contre les pauvres" ? La Rand Corporation craint que le conflit Nord-Sud n’entraîne un écroulement total, et sous une phase imagée, parle des "feux de brousse dévastateurs qui pourraient avaler le Nord". La dette, qui se substitue aux guerres classiques, dévaste tout autant. C’est un moyen de pression absolu, le contrôle mis sur les infrastructures des pays endettés, car en jouant sur des taux d’intérêts, on fait payer les plus pauvres...
Danièle Delcuze, dans son commentaire rapporte l’intervention de deux jeunes gens, assez agressifs, qui se sont levés pour dire que tout cela était faux, que "ça ne va pas si mal, qu’il y a un grand progrès, un progrès miraculeux en Afrique et que les enfants nains du Brésil appartiennent à une race métissée d’indiens petits". On leur répond aimablement qu’ils ont en partie raison, en ce sens qu’il y a bien eu une "révolution verte", mais qu’elle a été mal menée. Que dans certaines régions de l’Inde, par exemple, il y a apparence d’autosuffisance parce que les magasins sont pleins. Mais la population n’a pas les moyens d’acheter... Il y a donc une non-distribution des biens produits.
Un milliard deux cents millions d’individus n’auraient pas d’eau potable... Les étudiants intervenants diront que le Nord n’est pour rien dans la misère des peuples du Sud et il y eut une certaine tension dans la salle...

(*) Nous ajouterons : ’’Etats-Unis exceptés".


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