Adieux au prolétariat

Lectures
par  M.-L. DUBOIN
Publication : octobre 1980
Mise en ligne : 25 mars 2008

L’ETUDE « adieux au prolétariat » (1) débute par une analyse de ce que l’auteur appelle la crise actuelle du marxisme  : Marx étant convaincu que le prolétariat était révolutionnaire, par nature, estimait que la classe ouvrière allait donc se rendre maîtresse de la totalité des forces productives. Il prévoyait que le développement allait remplacer « l’armée des manoeuvres et des O.S. militairement encadrés, par une classe d’ouvriers polytechniciens » qui domineraient les processus de production, exerceraient partout leur contrôle, au point que les patrons apparaîtraient comme des parasites superflus à côté de ces « producteurs associés » exerçant leur pouvoir autogestionnaire dans les usines et la société.
C’est le contraire qui s’est produit d’après André Gorz  : « l’automatisation, puis l’informatisation suppriment les métiers et les possibilités d’initiative, et remplacent par un nouveau type d’O.S. ce qu’il reste d’ouvriers et d’employés qualifiés. La montée des ouvriers professionnels, leur pouvoir dans l’usine, leur projet anarcho-syndicaliste n’auront été qu’une parenthèse que le taylorisme, puis l’organisation scientifique du travail et enfin l’informatique et la robotique auront fermée. Le capital a réussi, au-delà de tout ce qu’on pouvait prévoir, à réduire le pouvoir ouvrier sur la production. »
Cette thèse est développée en montrant combien l’autonomie ouvrière a été détruite : «  le travail est tombé en dehors du travailleur ; l’ouvrier assiste et se prête au travail qui se fait, il ne le fait plus. Les « lignes de produits », la localisation et la dimension des usines se décidant sur la base de calculs de profit optimum, l’ouvrier, l’employé, deviennent des rouages passifs, dépersonnalisés, interchangeables. A aucun niveau aucun travailleur ou collectif de travailleurs ne fait l’expérience pratique de l’échange réciproque ni de la coopération. » Alors tout ce qui compte est que le salaire tombe à la fin du mois, et pas question de prendre une initiative ou de faire du zèle. La réaction à cette passivité forcée est de se faire une arme de cette passivité : tel cet employé qui prend un malin plaisir à appliquer strictement et aveuglément un règlement parce qu’il lui est imposé d’en haut.
Ainsi brimé dans son besoin d’autonomie, le salarié étanche sa soif de liberté comme il peut, en rêvant. Soit en rêvant qu’il s’établira un jour à son compte, soit en projetant tout ce qu’il pourra faire après sa libération. Mais de toute façon, il perd ainsi sa conscience « de classe ».
Et l’auteur montre bien que ceci est vrai à tous les niveaux. Car même « ceux d’en haut » ne sont que des exécutants  : tous n’obéissent qu’à une seule loi supérieure universellement imposée, même si elle n’est pas formulée, c’est la dure loi du capitalisme : il faut que le capital s’accroisse, il faut faire rentrer des commandes, il faut battre les concurrents, etc...

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L’élimination du pouvoir personnel au profit du pouvoir fonctionnel a profondément changé les enjeux de la lutte des classes dans cette société où règne ainsi le bureaucrate, y compris dans les syndicats et dans les partis politiques, car partout « le pouvoir, c’est l’organigramme ». Alors, face à ce pouvoir impersonnel, introuvable, quelle est la réaction des masses ? C’est de réclamer implicitement un responsable, un souverain. C’est de crier « Charlot, des sous ». C’est l’appel inconscient au führer. Et on comprend comment la loi du capitalisme mène au fascisme.

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Alors, peut-on imaginer un au-delà au socialisme ?
Michel Bosquet a parcouru un chemin considérable depuis le temps où il proposait dans le « Nouvel Observateur » que soit versées des primes aux entreprises qui supprimeraient des machines pour employer plus de main-d’oeuvre. Il écrit «  il n’est plus question désormais que de se libérer du travail en en refusant tout à la fois la nature, le contenu, la nécessité et les modalités. Mais... c’est aussi refuser la stratégie traditionnelle du mouvement ouvrier et ses formes d’organisation... il s’agit de conquérir le pouvoir de ne plus fonctionner comme travailleur. Il ne s’agit plus du tout du même pouvoir !
L’auteur a enfin compris ce qu’il y a d’inéluctable dans la formation d’une classe faite « de l’ensemble des individus qui se trouvent expulsés de la production par le processus d’abolition du travail, ou sous-employés dans leurs capacités par l’industrialisation (c’est-à-dire l’automatisation et l’informatisation) du travail intellectuel. Elle englobe l’ensemble de ces surnuméraires de la production sociale que sont les chômeurs actuels et virtuels, permanents et temporaires, totaux et partiels. Elle est le produit de décomposition de l’ancienne société, fondée sur le travail. »

(1) Par André GORZ (Michel Bosquet) aux Editions Galilée.


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