Questions à l’ordre du jour

Éditorial
par  M.-L. DUBOIN
Publication : février 2017
Mise en ligne : 19 mai 2017

Première question : Comment des millions de gens ont-ils pu être séduits par le nouveau Président des États-Unis, ce milliardaire qui incarne le pire de ce qu’on peut reprocher à un responsable politique  ! Cette élection n’annonce qu’aggravation des violences, désordres, dumping social et fiscal, gâchis, abus, pollutions, etc.

Et j’en passe…

Deuxième question : Comment être optimiste quand on constate que les électeurs français s’apprêtent à suivre le même chemin ? Pour la prochaine élection présidentielle, les sondages désignent en effet comme favorite la candidate du même bord que Trump, qu’elle admire. Tout aussi dangereuse, elle vient ouvertement de prendre (dans “l’affaire Théo”) la défense de policiers coupables d’actes de violence raciste…

Elle a d’autant plus de chances que le comportement de celui qui était présenté comme son probable “challenger” au second tour, le candidat porté par le CAC 40 [1] et choisi par la droite et le centre, a choqué même les plus conservateurs de son camp !

Troisième question : Ceux des électeurs que ce Tartuffe vient de décevoir par sa cupidité (légale !) révélée par Le Canard vont-ils rejoindre ceux du PS de droite et opter pour le “jeune loup” [2] qui, ministre de l’économie choisi par Hollande-Valls en août 2014 n’avait alors pas caché ses intentions : revenir sur les 35 heures, sur l’allocation chômage, sur la retraite, etc. se révélant l’ardent défenseur de l’emploi précaire ? C’est fort possible puisque ce serait continuer cette politique de droite qui est la leur et dans laquelle cet “Uber-Macron” a été formé…

Sera-t-il assez séduisant et assez flou pour faire illusion aux électeurs dont il ignore superbement les soucis quotidiens ?

Quatrième question : Que vont faire les autres candidats, ceux à qui sont attribuées, malgré le sérieux de plusieurs d’entre eux, fort peu de chances d’accéder au second tour ? …Vont-ils pouvoir s’entendre sur un “programme commun” et faire bloc derrière l’un d’eux ? N’importe lequel d’ailleurs, car l’enjeu n’est pas de trouver un homme providentiel mais de retrouver l’espérance d’un avenir meilleur, en redressant la barre en sens inverse du tournant libéral qu’a pris le PS de Mitterrand en 1983 (voir l’article ci-après)…

Cinquième question : Qui l’emportera : le courage et la force des idées portées par ces candidats ou bien la perversité d’une certaine presse pour les dénigrer ?

Cette dernière question rejoint doublement la deuxième  :

1) La victoire spectaculaire remportée par Benoît Hamon sur Manuel Valls a été une grande joie pour tout distributiste, elle ne peut que rendre nos lecteurs optimistes car c’est la preuve que les électeurs, eux, ne rejettent pas l’idée d’un revenu universel. En réussissant à la faire percer Benoît Hamon renforce notre volonté d’espérer que les êtres humains sont capables de prendre leur avenir en main. Les difficultés posées par le financement d’un revenu garanti dans le régime capitaliste sont si grandes et si diverses qu’elles devraient ouvrir les yeux sur l’obstacle monétaire. Alors, allons-y !! La prochaine GR sera un numéro spécial pour soutenir l’argumentation de nos lecteurs sur les réponses que nous apportons à ce sujet.

2) Il faudrait que l’électeur soit en mesure de percevoir comment les professionnels du journalisme s’y prennent pour le pousser à rejeter ce qui pourrait vraiment être un programme d’espoir…

Comment se fabrique l’opinion

On aborde là l’incompatibilité entre démocratie et système capitaliste : les propriétaires de la grande presse sont de puissants groupes financiers qui disposent ainsi des moyens de façonner l’opinion en faveur de la politique qui leur permet de maintenir cet énorme pouvoir. Cette politique de droite, évoquée ci-dessus, est la “politique de l’offre” à laquelle Hollande et Valls se sont ralliés en prétendant qu’il faut aider les entreprises à être “compétitives“ et gagner de nouveaux marchés parce qu’alors elles deviendront philanthropes : elles créeront tellement d’emplois que leur prospérité sera partagée par tout le monde.

Pendant le quinquennat qui s’achève, ce leurre nous a valu, entre autres, la loi Travail, forcée à coup de 49-3  ; le Crédit d’Impôt pour la Compétitivité et l’Emploi, qui a coûté 41 milliards au budget de l’État et permis aux sociétés qui en ont bénéficié d’augmenter leurs bénéfices de 37% et de verser 56 milliards de dividendes [3] à leurs actionnaires  ; et quelque 70 milliards par an filant encore en douce dans les paradis fiscaux.

L’échec est flagrant.

Mais qu’importe ! Puisqu’elle les “intéresse”, les grandes entreprises soutiennent cette politique par tous les moyens, y compris le mensonge, en sauvant les apparences. L’idée d’un revenu garanti pourrait faire réfléchir ? Il faut dissuader les électeurs de l’envisager, leur mette dans la tête qu’un “parti de gouvernement” ne saurait envisager une telle absurdité. Un exemple de cette “manipulation“ m’est tombé récemment sous les yeux. S’il m’a scandalisée, alors qu’il y en a tant d’autres, c’est parce qu’il s’agit d’un journal qui passe pour un quotidien de référence et que le mensonge était vraiment gros. Dans Le Monde du 17/1/17, il était écrit, comme une évidence, entre d’autres affirmations, que « le chômage n’est pas une fatalité, comme l’atteste le plein emploi au Royaume-Uni et en Allemagne, le salaire en CDI reste la norme écrasante tandis que l’ubérisation de la société n’est pas certaine ». Je veux bien que l’ubérisation ne soit pas encore étendue à toute la société, n’empêche qu’elle en prend le chemin. Mais quel culot d’oser écrire, et dans un éditorial (non signé), que le CDI reste la norme, et é-cra-san-te ! Quel plein emploi voit-il au Royaume-Uni, ce pays des “jobs à zéro heure” (sans garantie ni d’un temps de travail, ni d’un salaire minimum, c’est : « restez près d’un téléphone pour qu’on puisse vous appeler si pour une heure, ou peut-être plus, on a besoin de vous ! ») ? Il feint d’ignorer que ce genre de contrats, que les syndicalistes n’ont pas réussi à faire interdire par la loi, s’est étendu à tout le marché du travail au point que, selon l’agence Reuters, ils représentaient un cinquième des emplois créés depuis 2008. De même, ce professionnel de l’information ne veut pas savoir que les Allemands ont inventé les “jobs à 1 euro l’heure” ! Le développement de ces “bullshit jobs” dénoncés sous ce terme (traduit en français par “emplois de merde”) par David Graeber, ne peut pas être ignoré par l’éditorialiste du Monde. Il est plus vraisemblable qu’il fait partite de cette ”classe“ que ce sociologue décrivait en ces termes : « La classe dirigeante a imaginé qu’une population heureuse et productive disposant de temps libre constitue un danger mortel… Qui plus est, le sentiment que le travail est en soi une valeur morale et donc que les gens doivent être soumis à un travail intense même s’il ne sert à rien, lui convient extraordinairement bien ».


[1lire les détails dans l’étude édifiante de deux sociologues, publiée sous le titre De qui François Fillon est-il le prête-nom ? dans Le Monde Diplomatique de février 2017.

[2voir GR 1158 p. 3.

[3chiffres rappelés par J-F Kahn dans L’ineffaçable trahison.


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