Dette et domination

Réflexion
par  B. BLAVETTE
Publication : juin 2014
Mise en ligne : 12 octobre 2014

En montrant que la dette façonne l’humanité depuis 5.000 ans, et participe de tous les processus de domination, un ouvrage récemment publié par David Graeber est pour Bernard Blavette une formidable mine de réflexions :

La question de “la dette” occupe une place centrale dans le débat politique contemporain : dette des États, dette des entreprises, dette des particuliers souvent qualifiés de surendettés… Pourtant nous avons toujours tendance à penser que le monde qui nous entoure est parfaitement inédit, et personne ne semble réaliser que “la dette” accompagne l’humanité depuis la nuit des temps.

Dans son ouvrage Dette, 5000 ans d’histoire, d’une érudition étourdissante, l’anthropologue et économiste étasunien David Graeber nous conte comment “la dette” façonne l’humanité depuis toujours, comment elle participe au long de l’histoire de tous les processus de domination [*].

 La “dette primordiale”

Au commencement étaient les dieux, qui créèrent l’univers, et qui, insufflant vie à la matière, donnèrent naissance à l’espèce humaine, et ce faisant, instituèrent aussi « la dette ». En fait, la plupart des religions assimilent la naissance à la vie à une dette que chaque individu doit au grand tout cosmique. Les poèmes védiques les plus anciens écrits en Inde vers 1500 avant notre ère font une référence constante à la dette assimilée à la culpabilité et au péché. Selon le sociologue anglais Geoffrey Ingham, cité par Graeber, « dans toutes les langues indo-européennes, les mots en rapport avec la dette sont synonymes de ceux qui veulent dire péché. Ainsi le sacrifice que l’on doit aux dieux se dit Geild en vieil anglais, et la culpabilité guilt ». Pour les Brahmanas [1] l’existence humaine est en elle-même une sorte de dette primordiale : « L’homme aussitôt qu’il naît, naît en personne comme une dette due à la mort. Quand il sacrifie, il rachète sa personne à la mort ». Aujourd’hui encore les chrétiens chantent « Alléluia, remercions Dieu pour nous avoir donné la vie »… Cette dette est par nature irréductible puisqu’elle repose sur ce qu’il y a de plus fondamental : la vie. Prières, offrandes, sacrifices, rien n’y fait, elle accompagnera chaque être humain jusqu’à sa mort, et assurera ainsi la domination des castes de prêtres, de guerriers, de grands propriétaires, et de nobles associés [2]. C’est pour cela que les religions condamnent fermement le suicide qui représente, insulte suprême, le refus du présent des dieux, de la dette qui leur est due, et de toutes formes de dominations [3]. Les prêtres et les rois qui déclarent détenir leur pouvoir du divin, prennent en charge l’administration de cette dette primordiale et transfèrent la dette due aux dieux en dette perpétuelle vis-à-vis de la société qui est censée protéger notre existence individuelle.

 Invention du prêt à intérêts

C’est en Mésopotamie que sont apparues, 5.000 ans avant notre ère, les premières citées-États, notamment à Sumer. Elles étaient dominées par des temples géants qui concentraient toutes les offrandes destinées aux dieux. Il s’agissait d’institutions s’apparentant à des complexes industriels colossaux qui employaient des milliers de personnes appartenant à tous les corps de métiers (tisserands, bergers, prêtres-administrateurs…), possédaient d’immenses troupeaux et de larges étendues de terres et régissaient en fait l’économie de la cité. Les administrateurs des temples imaginèrent alors de prêter les produits de leurs productions (laine, cuir…) à des caravaniers qui partaient à l’étranger les échanger notamment contre le métal et le bois dont la Mésopotamie est dépourvue. Les temples prenaient au passage leur part des profits résultant de ce commerce en inventant du même coup le prêt avec intérêts qui devait par la suite engendrer d’interminables débats entre philosophes et théologiens sur la légitimité de cette pratique [4]. Aristote condamne fermement ce qu’il nomme la chrématistique c’est-à-dire l’art d’accumuler des richesses pour elles-mêmes, et notamment l’usure qui permet de « faire de l’argent avec de l’argent ». La religion chrétienne adoptera longtemps la même position, jusqu’à ce que la Réforme, particulièrement avec Calvin, commence à admettre qu’un taux d’intérêt raisonnable (en général 5%) n’est pas un péché.

 De l’offrande à l’impôt

Vers 2500 ans avant J.C., les rois vont imiter les prêtres en prenant en charge pour leur propre compte l’administration de la dette primordiale, essentiellement dans le but de financer les armées. Les offrandes destinées aux dieux vont se transformer en impôts dus à la société qui nous fait vivre. Mais il s’agit alors de transformer une obligation morale vis-à-vis des dieux en une somme précise due à l’État, ce qui implique une échelle de mesure, un étalonnage, bref une monnaie. En fait la monnaie sera tout ce que l’État accepte en paiement de l’impôt, et qui sera alors reconnu par l’ensemble de la société comme moyen de paiement des dettes privées : des têtes de bétail, une mesure de céréales ou des morceaux de métal d’un poids précis, plus facilement manipulables.

 La dette désintègre la société

On voit donc que suivant la théorie de « la dette primordiale » la dette précède la monnaie, cette dernière n’étant qu’un moyen de se libérer de ce qui est dû, d’une obligation, d’une domination. Car la dette implique inévitablement la domination du créancier sur le débiteur. Ce dernier vit dans une angoisse perpétuelle : le paysan qui subit une mauvaise récolte, qui est atteint par la maladie risque de ne pouvoir rembourser le créancier qui lui a fourni des semences, de l’eau d’irrigation… Le riche marchand ou l’administrateur peut alors s’approprier peu à peu les biens du débiteur, les membres de sa famille, femmes et enfants, et dans les cas extrêmes jusqu’à l’emprunteur lui-même qui seront bientôt réduits en esclavage, contraints à servir à perpétuité dans la maison du créancier. Comme le précise Graeber « On peut imaginer ce que cela signifiait émotionnellement pour un père dans une société patriarcale, où la capacité d’un homme à protéger l’honneur de sa famille est tout. Tel a pourtant été le sens de la monnaie et de la dette pour la majorité des gens pendant l’essentiel de l’histoire de l’humanité : la perspective terrifiante de voir les fils et filles emmenés dans des maisons étrangères pour être soumis à toutes les formes de violences et d’abus concevables tandis que les parents attendaient impuissants en fuyant le regard des voisins ». La dette devient alors un puissant facteur de désagrégation sociale : familles brisées, terres plus ou moins abandonnées…

Bien souvent aussi, les fermiers, incapables de rembourser leurs dettes, prenaient la fuite rejoignant des bandes semi-nomades qui écumaient et pillaient la région, faisant régner une insécurité endémique.

L’histoire montre que le meilleur moyen de justifier des relations fondées sur la violence, de les faire passer pour morales, est de les recadrer en termes de dettes – cela crée aussitôt l’illusion que c’est la victime qui commet un méfait.

David Graeber

 Libérer la société de sa dette

Très tôt les prêtres et les rois réalisèrent les graves dangers que comportait le fait de laisser l’endettement se développer de manière incontrôlée. Confrontés au risque d’un effondrement général de la société, les pouvoirs sumériens, babyloniens, égyptiens introduisirent la pratique d’une annulation périodique de toutes les dettes contractées pour la consommation (à l’exclusion des dettes commerciales), souvent tous les 7 ans. Les tablettes sur lesquelles on avait tenu les comptes étaient alors détruites en grande cérémonie, un décret rendait les terres à leurs propriétaires initiaux en autorisant toutes les personnes détenues pour dettes à rentrer dans leur foyer. Et Graeber note que le mot « liberté », dans la Bible comme en Mésopotamie signifiait avant tout « libération des effets de la dette ».

Ainsi dès l’Antiquité « la dette » n’a cessé de nourrir la peur et l’angoisse des hommes, de servir de justificatif aux pratiques de domination les plus abominables, tout particulièrement l’esclavage.

 Gestation du capitalisme

Mais par la suite elle devait jouer un rôle central dans l’apparition du capitalisme, le système sociétal le plus inique qui soit car il est organisé par essence autour de la violence exacerbée et de l’asservissement, car il a semé le chaos à l’échelle d’un monde.

En 1492 Christophe Colomb découvre l’Amérique, un continent neuf, gorgé de richesses, habité par des populations clairsemées, munies d’armes primitives…

Cortès entreprend la conquête du Pérou et du Mexique, et dès la chute de l’empire aztèque en 1521, l’extraction des métaux précieux commence dans des conditions effroyables pour les populations locales. Comme le souligne Graeber « avec les conquistadors, nous ne parlons pas seulement de cupidité ordinaire, mais de cupidité portée à des proportions mythiques » et les historiens discutent toujours pour comprendre l’origine non seulement de cette « folie de l’or » mais aussi de l’incroyable cruauté qui poussait ces hommes se disant chrétiens « à donner des bébés à manger aux chiens, ou à essayer leurs épées en éviscérant au hasard les passants dans la rue » [5]. Mais nombreux sont les chercheurs qui s’accordent à penser que ce délire collectif trouve son origine dans l’endettement généralisé des élites européennes de l’époque.

 Endettements généralisés

Endettement des rois tout d’abord, du fait des dépenses militaires inhérentes aux guerres incessantes qui ravagent le continent. Charles Quint par exemple était très largement endetté vis-à-vis des banques de Florence, de Gênes, et de Naples, et on estime généralement que les seuls métaux précieux venus des Amériques représentaient près de 25% de ses revenus.

Par ailleurs et d’une manière générale, la noblesse mène un train de vie fort dispendieux, largement au-dessus de ses moyens, notamment du fait de l’engouement frénétique pour les produits venus de l’Extrême-Orient (épices, soieries, porcelaine…) dont Vasco de Gama a ouvert la route en pénétrant dans l’océan Indien en 1498. Une large proportion de l’or américain va donc partir pour la Chine et le commerce asiatique va devenir un élément essentiel de l’économie du monde et du capitalisme émergent. Les marchands, les banquiers italiens et néerlandais vont alors s’enrichir prodigieusement et les populations ordinaires européennes n’apercevront les richesses du nouveau monde qu’à travers le train de vie fastueux des dominants de l’époque.

Mais l’Église catholique aussi va se montrer avide de l’or américain car elle mène une lutte sans merci contre la Réforme et doit financer d’une part son influence politique, mais aussi sa propagande vis-à-vis des peuples. La contre-Réforme va se traduire par le développement du style baroque qui se caractérise par la magnificence des églises dont la décoration et plus particulièrement les autels vont se couvrir d’or et intégrer nombre d’objets de culte en métal précieux, les dignitaires revêtant les fameuses « chasubles d’or » qui deviendront par la suite les symboles du divorce entre l’église catholique et le peuple [6]. Il s’agissait dans l’esprit de la bureaucratie catholique de montrer sa puissance, et aussi de donner aux fidèles un avant-goût des beautés du royaume de Dieu auquel ils pouvaient espérer prétendre après la mort en demeurant dans le giron de l’Église Catholique Apostolique et Romaine.

Enfin les Conquistadors eux-mêmes sont le plus souvent des nobles désargentés, endettés et Hernan Cortès tout particulièrement. Lorsqu’ils atteignent le nouveau continent, jouant le tout pour le tout en parieurs téméraires, ils brûlent leurs vaisseaux signifiant ainsi qu’aucun retour n’est concevable : le remboursement des dettes et la richesse ou la mort. S’ensuivra une guerre atroce ou peut-être 100.000 Aztèques seront massacrés. Pourtant, malgré sa victoire et l’immensité des richesses accumulées, Cortès et ses lieutenants, pris d’une folie de luxe et de dépenses, seront perpétuellement endettés ce qui les poussera dans une quête infinie de nouveaux trésors, préfigurant en quelque sorte la démesure capitaliste.

 Pression jusqu’au génocide

La pression sur les malheureuses populations autochtones américaines sera donc énorme, elle ira jusqu’au génocide, conséquence directe des dettes accumulées par les dominants européens.

Et pourtant la tragédie américaine ne s’arrête pas ici, car les immenses terres vierges ne demandent qu’à être mises en valeur, cultivées, et pour cela il faut de la main d’œuvre, de préférence peu coûteuse. Les grandes plantations du sud vont résoudre la question de deux manières : les travailleurs sous contrat, et l’importation d’esclaves africains. Les premiers étaient généralement des européens misérables à qui on offrait une somme d’argent d’avance et qui contractaient un engagement pouvant aller jusqu’à dix ans pour rembourser leur emprunt. En pratique, la dette n’était le plus souvent jamais éteinte, du fait de l’obligation d’acheter les denrées nécessaires à la vie dans les magasins du créancier à des prix exorbitants.

Cette pratique était loin d’être marginale puisqu’on estime que dans les années 1600 il y avait parfois autant de débiteurs blancs que d’esclaves noirs dans les plantations.

Mais la grande affaire, celle qui va générer d’immenses profits, qui va donner un coup d’accélérateur au capitalisme naissant, c’est, bien sûr, la traite négrière. Ce que l’on sait moins, c’est que l’immense majorité des captifs africains ont été emmenés sous le prétexte d’une dette vis-à-vis d’un roi ou d’un riche marchand local.

 La dette aujourd’hui

À ce stade de notre réflexion, il faut bien constater que le capitalisme s’est imposé à l’échelle du monde par deux grand massacres, dont les proportions génocidaires ne sont comparables qu’à la Shoa perpétrée par les nazis : l’extermination et l’asservissement des populations autochtones américaines et la traite des noirs. Dans les deux cas, la dette joue un rôle central dans les processus de domination. Nombreux sont ceux qui diront que tout cela est du passé, que la civilisation a progressé, que les droits de l’homme et la démocratie se sont imposés. Pourtant, David Graeber pose une question à mon sens très pertinente : que se passerait-il si demain des extra-terrestres, disposant d’armes invincibles, réclamaient qu’on leur livre des êtres humains en échange d’objets produits par leur technologie avancée ? Certains ne suggèreraient-ils pas de vider les prisons, de se débarrasser avec profit des pauvres, des marginaux, des rebelles ?

Aujourd’hui la dette est plus présente que jamais. Elle est le pivot de l’économie-monde, elle imprègne nos esprits, influence nos décisions, dicte nos comportements… Les pays pauvres du sud, qui ont été incités à s’endetter par la violence et la corruption de leurs dirigeants, sont maintenus dans la misère par les créanciers des puissances dominantes. Les travailleurs pauvres du sud, dont la différence de conditions avec les esclaves du passé n’est qu’une affaire de nuances, fabriquent à bas prix toute la bimbeloterie, toute la “quincaillerie” que fait miroiter notre société d’hyperconsommation. Une large part de nos déchets toxiques va s’enfouir, plus ou moins clandestinement, dans les forêts et les eaux territoriales de tous ces États déstructurés où les contrôles sont inexistants : la remarque « de toute façon c’est moins grave pour eux parce qu’ils ont une espérance de vie bien moins élevée que la nôtre » fait partie du cynisme ordinaire.

Récemment, l’oligarchie dominante s’est avisée que la dette était une arme lui permettant aussi d’asservir les peuples de l’Union Européenne, et les plus vulnérables, tels que Grèce, Portugal, ont déjà été mis à genoux. Simultanément les États du cœur de l’Europe, où la résistance est jugée plus forte, sont soumis à des attaques sournoises visant à éroder graduellement les principes les plus élémentaires de la démocratie, ainsi que les droits sociaux.

Enfin, au niveau individuel, chacun est poussé à s’endetter pour des achats souvent inutiles : « Vous n’en n’avez pas besoin, mais vous en avez tellement envie ! » susurre la publicité qui nous invite ainsi à nous prosterner devant la dernière merveille informatique. Et ainsi, le taux moyen d’endettement des ménages étasuniens est estimé aujourd’hui à 130% de leurs revenus.

Endetté, l’individu devient veule, craintif, il est soumis à l’État, à son employeur qui lui procure l’indispensable salaire, au point que l’idée même que le monde pourrait être différent ne lui apparaît plus que comme un vain fantasme.

Alors la boucle est bouclée, la planète est cadenassée par la peur et la dette.

 La vraie bonne question actuelle

Nous devons maintenant nous poser une question : un monde sans dette est-il concevable ? La réponse est positive, mais au terme d’un cheminement impliquant la participation active des membres de notre société.

Il faut, avant tout, démystifier la propagande assénée quotidiennement par les médias de masse. Il est, en particulier, un mensonge éhonté qu’il faut dénoncer en priorité : le discours récurrent qui assimile la dette d’un État à celle d’un ménage qui vivrait au-dessus de ses moyens. Il s’agit de l’un de ces raisonnements qui semblent de bon sens et qui pourtant sont faux. La différence, à ce sujet, entre un ménage et un État réside tout simplement dans le fait que le premier n’est pas maître de ses revenus, parce qu’ils reposent généralement sur les salaires imposés par les employeurs, alors que l’État possède le pouvoir, notamment par l’impôt, de fixer ses ressources. Disons-le simplement : la dette d’un État est constituée des richesses qu’il ne veut pas, ou qu’il n’ose pas imposer. Ainsi, en France, l’évasion annuelle vers les paradis fiscaux est estimée au minimum à 50 milliards d’euros ; les grandes entreprises du CAC 40, grâce à « l’optimisation de la politique fiscale », payent en moyenne 8% d’impôts sur les bénéfices au lieu du taux normal de 33%, et certaines sociétés (la librairie en ligne Amazone, Google, la chaîne de rerstauration Starbucks Coffee…) parviennent à ne rien payer du tout du fait de savants montages financiers à base de domiciliations factices dans les paradis fiscaux et de « sociétés écrans » [7]. La France du “socialiste” Hollande, et la plupart des autres États, ferment pudiquement les yeux sur ces pratiques et se trouvent donc forcés d’emprunter les recettes fiscales manquantes. La dette qui nous écrase n’a pas d’autre origine.

Au lecteur qui découvrirait ce journal par hasard et qui aurait sûrement un doute : quel est ce petit journal, La Grande Relève et qui est cet inconnu, Bernard Blavette, qui prétendent démentir les grands prêtres de l’information, Pujadas et consort ? … Je réponds simplement : la seule opinion vraiment crédible est celle que vous vous formerez vous-même au terme d’une collecte personnelle d’informations provenant de sources diverses que vous pouvez croiser, comparer entre elles. Seule une démarche d’écoute et de recherche permanente, venue de chacun d’entre nous, peut nous permettre d’étayer un jugement qui soit réellement le nôtre, qui ne soit pas suggéré par la vulgate dominante. Cela est souvent difficile, après une journée de travail, au milieu des multiples tracas du quotidien, mais c’est indispensable. On me pardonnera, je l’espère, ce petit couplet « donneur de leçons » mais l’enjeu est de taille : une démocratie véritable ne peut fonctionner que si elle est composée d’individus suffisamment au fait des affaires publiques pour être en mesure de participer utilement au débat démocratique, en déjouant les pièges de la propagande, en se dégageant des certitudes simplistes.

Notre destin est entre les mains de chacun d’entre nous et nul sauveur, nul homme ou Parti providentiels ne sont à attendre : soit nous parvenons, par une intense volonté d’émancipation de chacun, à nous extraire de cette domination que notre espèce subit depuis des millénaires et nous parvenons à construire une société libérée de “la dette”, soit nous risquons fort de donner corps à cette sombre vision de Shakespeare : « Le temps viendra où l’humanité se dévorera elle-même comme les monstres des profondeurs » [8].


[*David Graeber « Dette, 5000 ans d’histoire » - Ed. Les Liens qui Libèrent (Sept. 2013). Sauf indications contraires, les informations contenues dans ce texte sont extraites de cet ouvrage. Cependant je me permets parfois de prolonger le raisonnement par des interprétations et des rapprochements personnels. Le livre comporte aussi de passionnants développements sur l’origine de la monnaie qui ne sont pas approfondis ici, car je souhaite me concentrer sur le couple dette/domination.

[1Les Brahmanas sont des commentaires en prose sur les poèmes védiques rédigés entre les Xème et VIème siècles avant notre ère.

[2Cette « Théorie de la dette primordiale » a été principalement élaborée en France par des anthropologues, des historiens de l’antiquité, réunis autour des économistes Michel Aglietta et André Orléan.
Lire notamment La violence de la monnaie éd. PUF, 1992.

[3Ainsi, pour Albert Camus, le suicide constitue l’acte révolutionnaire suprême.

[4Pour ceux qui souhaitent s’informer plus en détail sur la civilisation sumérienne lire L’histoire commence à Sumer de l’historien étasunien Samuel Noah Kramer. éd. Flammarion – Champs/Histoire, 1993. Un grand classique.

[5Lire La conquête de l’Amérique. La question de l’autre par Tzvetan Todorov – éd. du Seuil - Points Essais, 1991.

[6Voir notamment Le chants des canuts, écrit en 1894 par Aristide Bruant.

[7Les chiffres énoncés ici proviennent de documents publiés par l’association ATTAC et Les Economistes Atterrés.
Le chiffre de l’évasion fiscale cité constitue l’évaluation la plus basse ; la réalité approche fort probablement les 100 milliards d’euros.
“L’optimisation de la politique fiscale” consiste à tirer parti de failles (souvent volontaires) des textes de lois pour minimiser, en toute légalité, l’impôt sur les bénéfices des sociétés.

[8dans Le roi Lear - Acte IV, scène II.


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