L’Europe au pied du mur

Éditorial
par  M.-L. DUBOIN
Publication : décembre 1989
Mise en ligne : 15 avril 2009

A l’heure où les peuples de l’Est de l’Europe font spectaculairement entendre leur besoin de démocratie, il ne faudrait pas oublier la lutte que doivent mener ceux de l’Ouest pour que l’Europe en projet, celle de l’Acte Unique de 1993, ne soit pas seulement celle des affairistes, des spéculateurs et autres "raiders". En fait, de ceux-là mêmes qui s’empres-sent tant de faire croire que l’idéal des révoltés de l’Est est de découvrir les méfaits du libéralisme écono-mique (alors qu’ils ne les imaginent probablement pas !).
Le combat lancé par l’Association "Europe 1993", il y a maintenant un peu plus d’un an, et dont nous rapportons ici régulièrement les efforts, doit intéresser à ce titre et au premier chef tous les distributistes. D’autant que la Commission formée par les "économistes" de cette association vient d’achever la rédaction de ses "Propositions économiques, monétaires et institutionnelles", et que sa première partie est clairement intitulée : "L’émergence d’une économie plus distributive". Avec leur permission, nous en publions ci-dessous de larges extraits afin de réunir les commentaires, critiques ou compléments que nos lecteurs voudront bien nous faire parvenir, le plus vite possible.
Ils seront sensibles, c’est évident, au fait de retrouver dans ce texte l’essentiel des thèses "abondancistes". Par exemple : le non-sens qui consiste à vouloir appliquer les règles du calcul économique classique alors qu’elles sont devenues obsolètes avec l’émergence des nouvelles techno-logies et la transformation radicale des moyens de production ; la constatation qu’une part de plus en plus importante des revenus est déjà distribuée par l’Etat ; l’évidence que la mutation technologique rend enfin possible une réorientation de l’économie pour la mettre au service de tous ; la nécessité qu’une allocation universelle (un revenu social distribué à tous les citoyens), croissant avec la production automatisée, assure à chacun et de mieux en mieux des conditions de vie en rapport avec les moyens qui existent ; enfin l’idée que la démocratie économique ne peut être réduite à la cogestion ouvrière et qu’elle doit être étendue à tous.
L’esquisse qui y est faite d’une transition en douceur est intéressante. Elle va dans le sens de la politique d’une réduction program-mée du temps de travail, selon les propositions formulées récemment par André Gorz et que nous avons analysées ici l’an dernier (1). L’intérêt des cartes à mémoire pour la réalisation matérielle de la distribution de revenus y est souligné, comme le fait ici depuis longtemps Henri Muller.
Une grosse lacune apparaît cependant dans ces propositions.
Parce que la réflexion sur la monnaie y est dominée par l’analyse du Rapport du Comité DELORS, le débat est restreint aux questions posées actuellement par l’Acte Unique. Dans ce

cadre, la nécessité d’une monnaie unique y est bien défendue, comme est bien posé le primat souhaitable de la démocratie sur le marché. Mais, par contre, la réflexion sur la création monétaire, qui est pourtant essentielle, y est escamotée . Comme si toute la monnaie était créée par les Banques Centrales ! C’est oublier le rôle primordial du crédit, celui des transactions qui échappent à tout contrôle, celui des "junk bonds" et des raiders qui ont transformé la Bourse en un casino à l’échelle mondiale et où les "faux-monayeurs(2)" patentés ont pignon sur rue, et font la loi dite "économique", grâce, en particulier, aux "dérèglementations".

Cette publication amène à un constat, à savoir, qu’une étape est franchie .
Il y a quelques années, nous nous étions fixé pour tactique de concentrer nos efforts de façon à faire passer une idée à la fois , et nous avions choisi de faire comprendre en priorité qu’il est devenu nécessaire de dissocier revenus et temps de travail. Il semble que cette idée ait fait son chemin. Elle est aujourd’hui acquise, même par un grand nombre de gens qui, il y a seulement dix ans, criaient à l’utopie quand nous en parlions.
Alors,il faut en venir à la seconde étape : démystifier les processus de création monétaire, faire comprendre que l’argent n’est qu’une convention, lancée arbitrairement par ceux qui en profitent, adoptée par les autres, faute par eux d’en avoir pris conscience. Qu’il convient par conséquent d’en repenser les mécanismes, de les adapter aux nouveaux besoins et aux nouveaux moyens.Pour plus de justice.

C’est dans cette optique que nous avons choisi plusieurs des articles qui suivent.

(1)Voir "Les nouveaux serviteurs" dans le numéro de Novembre 1988 de la Grande Relève
(2)Voir ci-dessous l’article de Denis Bloud


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