Le ciel et la terre


par  R. POQUET
Mise en ligne : 5 août 2006

La croyance, encore vivace, que le paradis est au ciel ou, si l’on veut, au-dessus de nos têtes et l’enfer sous nos pieds, n’est peut-être pas étrangère à nos comportements dès qu’il s’agit d’exploration. L’espace qui nous environne nous promet plus de découvertes que le sol que nous avons déjà fouillé abondamment (gaz, eau chaude, multiples minerais ...) et le magma incandescent qui se révèle lors des éruptions volcaniques nous incite à une approche prudente. Portés par l’espoir de répondre un jour à la question « la vie existe-t-elle ailleurs que sur la terre et, dans l’affirmative, que nous apprendrait-elle sur notre propre vie ? », nous risquons de rebondir de planète en planète pendant des siècles, au prix d’investissements financiers exorbitants que certains justifieront en s’abritant derrière les nécessités et les exigences de la recherche fondamentale. Quoi qu’il en soit, il apparaît de plus en plus évident que les deux sources d’énergie quasi inépuisables dont nous disposons sont le soleil et les roches en fusion au centre de la Terre. Si le soleil a déjà été sollicité (mais nous avons appris que l’utilisation de son énergie n’est pas chose aisée), par contre l’utilisation de l’énergie incommensurable qui gît sous le manteau de notre planète commence à attirer l’attention de certains pays comme les Etats-Unis, la Russie et, tout récemment, le Japon.

Le lecteur se souvient peut-être d’un article [1] intitulé Et la géothermie ? dans lequel étaient soulignées les diverses tentatives de notre ami Henri Muller, ingénieur, en vue de connaître les positions des responsables de notre pays. Pour Marcel Boiteux, Directeur Général d’EDF, dans deux réponses datées respectivement de 1975 et de 1977, « l’énergie nucléaire, énergie abondante et à bas prix, l’emporte largement sur les autres solutions actuellement disponibles » et il ajoutait : « L’énergie nucléaire n’a encore, dans ses usages civils, jamais tué personne ». Et il y a eu Tchernobyl.

Pour le ministre de l’Industrie, en poste en 1981, « le problème de la fracture artificielle des roches en direction et en volume est extrêmement difficile à résoudre ». Ayant pris connaissance de cette réponse, le vulcanologue Haroun Tazieff ne nie pas la véracité des propos du ministre, à savoir la non-rentabilité actuelle des roches sèches, mais pense que les efforts des gouvernements successifs ne vont pas dans le sens d’un développement de la géothermie, afin de privilégier le nucléaire. Bref, le voyage au Centre de la Terre envisagé par Jules Verne en 1864 n’est pas pour demain.

Une lueur d’espoir nous vient cependant de l’Empire du Soleil Levant.

Le Japon a récemment relancé l’idée de transpercer l’écorce terrestre pour atteindre le manteau sous-jacent où règne une température de 2.000 degrés. Non pour capter cette énergie dans un premier temps, mais pour mieux connaître le comportement des failles, certaines d’entre elles glissant sans provoquer de gros séismes alors que d’autres engendrent des tremblements de terre ravageurs. Les échecs passés ont incité la communauté scientifique à la prudence.

Dans les années soixante, les Américains ont lancé le projet Mohole qui ne fut pas concluant et les Soviétiques, en 1989, dans la péninsule de Kola, ont atteint la cote record de 12 km, sans parvenir jusqu’au moho, cette partie qui sépare la croûte terrestre du manteau.

L’attitude des Japonais est beaucoup plus pertinente. Au lieu d’aborder les forages à même le sol, ceux-ci auront lieu d’un navire qui restera fixe au-dessus d’un endroit donné, la croûte océanique étant moins épaisse (5 à 7 km) que la croûte continentale qui peut atteindre 50 km (ce qui explique en grande partie l’impuissance des Soviétiques). Dans la croûte océanique seront forés quelques puits, le plus profond descendant jusqu’à 6 km. Précisons enfin que ces explorations seront substantiellement financées dans le cadre d’un programme international qui débutera en septembre 2007 et durera toute l’année 2008.

Au moment où nous assistons au tarissement de la ressource pétrolière, où l’énergie nucléaire, dans ses usages civils, ne nous garantit pas une sécurité absolue, où les autres énergies tirées de l’hydrogène, du soleil, du vent, ... ne présenteront toujours que des solutions insuffisantes au regard des besoins croissants de l’industrie, des transports et des grands centres urbains, le temps est venu d’aller à l’essentiel si nous voulons diminuer sensiblement les dangers qui nous menacent : effet de serre, pollution, déstabilisation de l’économie mondiale par augmentation des coûts des énergies traditionnelles...

À ce titre, l’expérience japonaise est à suivre et à encourager.

Si cette énergie “du centre de la terre” était captée, elle bouleverserait totalement le paysage énergétique mondial.

... À moins que son abondance, et par voie de conséquence son faible coût, n’intéresse que médiocrement nos “sociétés de l’argent” ?


[1dans GR 1035, août-septembre 2003.


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