Nouvelle lettre aux candidats à la candidature


par  G.-H. BRISSÉ
Mise en ligne : 5 août 2006

Parmi les autres questions que j’aimerais poser à Madame Royal, l’une et non des moindres concerne la réforme de la Justice. Elle a abordé courageusement les problèmes posés par l’insécurité quotidienne, en les ramenant à leur juste place, en particulier sous l’angle de la prévention et des questions relatives à la lutte contre la violence, ultra-présente sous toutes ses formes dans certains médias et sur cette base, au maintien de l’ordre social. Prévention et maintien de la sécurité doivent mobiliser tous les services compétents, et non pas seulement la police ou l’armée. Les militaires ne peuvent être exclus de ce dispositif, c’est du moins l’opinion de Madame Royal.

Évidemment, les meilleures compétences en matière d’urbanisme sont concernées par l’aménagement d’une cité plus fraternelle, plus solidaire. On peut se demander comment on en est arrivé à une telle dégradation de la situation des rapports sociaux. La violence latente dans les relations humaines n’est pas seulement le fait de mafias ou d’organisations plus ou moins clandestines de trafics lucratifs, y compris de drogues. Elle est engendrée par le système économique dans lequel nous vivons parce qu’il privilégie la concurrence acharnée, la prééminence des plus riches et des plus forts. Le chômage, l’oisiveté, le développement d’activités clandestines très lucratives, le défaut d’encadrement, la détérioration du cadre de vie, la quasi disparition de l’esprit civique, de structures de solidarité et d’entraide et la formation insuffisante sont, tour à tour évoqués, aux côtés de la déliquescence de l’État et de l’esprit de service public, dans la dégradation des relations sociales. La recherche de l’argent facile, des filières de spéculation génératrice de profits à court-terme, font le reste.

Alors qu’en offrant à chacun un revenu social garanti, lié à un parcours d’activités alternant l’emploi, la formation et les loisirs organisés sur le long terme par le truchement du contrat civique, on contribue à introduire, concrètement dans le programme politique, la dose d’espérance et d’affectivité qui fait tant défaut dans cette société de caïmans.

Le malaise au sein de l’appareil judiciaire, qui n’est pas nouveau, fut révélé par l’affaire d’Outreau.

Manifestement l’instruction fut bâclée dans ce dossier et a conduit en détention préventive pour de longues années des prévenus qui n’avaient rien à y faire, et dont l’existence, la vie familiale et professionnelle, fut ainsi irrémédiablement brisée. On nous montre des criminels récidivistes, des victimes qui ne peuvent faire leur deuil et reconstruire leur vie faute de trouver des coupables. Mais trop de simples citoyens sont montrés du doigt alors qu’ils sont innocents ou qu’ils n’ont fait que mettre en œuvre des mesures parfaitement légales dont ils pouvaient bénéficier.

Lorsque fut proclamée la grande idée de la présomption d’innocence, il aurait fallu allouer à la Justice les moyens de ses missions, à hauteur d’une enveloppe budgétaire représentant au moins 3% du budget national - ce qui se fait dans la plupart des grands pays européens.

On enregistre aujourd’hui trop de lenteurs dans le fonctionnement de nos tribunaux, très sollicités et trop souvent débordés par la tâche et l’instruction des dossiers est défaillante. La notion de garde à vue, avec les traumatismes qu’elle entraîne pour les innocents, a fait place à une “mise en examen” avec présence d’un avocat dès la première heure, et enregistrement des interrogatoires ; mais on sait très bien que, sous ces modifications sémantiques, se cachent les mêmes réalités, faute de moyens pour mettre en œuvre ces réformes. Des innocents continuent à s’entasser pendant des mois et des mois en détention préventive, des avocats figurent aux abonnés absents faute d’honoraires convenables versés par l’État lorsqu’ils sont requis d’office en faveur des plus démunis.

Nous sommes attachés au fonctionnement harmonieux et efficace de notre Justice, ne serait-ce que parce que ses jugements et sa jurisprudence dans une société de plus en plus complexe ont force de loi, laquelle doit s’appliquer à tous. Dans la situation actuelle, nos tribunaux sont amenés à soutenir les plus forts, même s’ils ont tort, aux dépens des citoyens les plus modestes et démunis. Il s’agit bien là d’une réalité que l’on peut, hélas, constater un peu partout, et non d’un jugement de valeur !

Madame Royal, que proposez vous pour remédier à cette situation ?

 
Alimenter le budget public

Si l’on tient compte de la profonde réforme monétaire qui est la clé de voûte d’une modification substantielle dans nos relations sociales, certaines mesures doivent être considérées comme provisoires. Mais dès aujourd’hui, la nécessité s’impose de prendre l’argent où il se trouve pour alimenter le budget de l’État et des collectivités territoriales. En puisant ces fonds sur le dos des salariés en activité ou retraités, on s’acharne à tondre jusqu’à l’os des moutons à qui on a déjà retiré la laine. Il est temps de changer de braquet et de rendre aux citoyens leur capacité d’accès aux biens ou service, car ceux-ci sont largement disponibles dans cette société d’abondance, qui détruit ce qu’elle produit au prix de redoutables détériorations de l’environnement et de dégradations climatiques.

Ce qui est en cause, ce n’est pas le fait, pour le citoyen, d’apporter sa participation aux dépenses de l’État et des collectivités territoriales, sous la forme d’un impôt calculé en fonction de ses revenus ; tout le monde ou presque, est d’accord là-dessus. Mais les modalités de recouvrement de l’impôt sur le revenu des personnes physiques, qui datent de près d’un siècle, ne sont plus adaptées à l’évolution du marché de l’emploi.

Pour évoluer progressivement vers la retenue à la source pratiquée désormais par la plupart des pays européens, le ministère des finances a inventé cette année la “déclaration d’impôts pré-remplie”. Mais mal pré-remplie ! Il a facilité en outre l’accès des contribuables à intemet pour l’acheminement des déclarations. Ces modalités de recouvrement ont certes le grand mérite d’inverser les rapports entre contribuables et administration des impôts, cette dernière étant désormais la récipiendiaire des réclamations au lieu d’en être l’initiatrice.

Ce processus s’inscrit dans le projet de fusion des administrations des impôts et des perceptions ou trésoreries, ces dernières s’étant vu refuser toute activité bancaire pour répondre aux normes européennes de concurrence bancaire. C’est ainsi qu’ont été supprimées les Caisses d’épargne (recyclées en établissement bancaire), que les Comptes chèques postaux ont été transmués en Banque postale, etc. Les petits épargnants pourront apprécier la disparition des avantages liés aux livrets d’épargne.

C’est dans ce contexte que j’ai suggéré le prélèvement automatique par les établissements financiers d’une taxe (variant de 0,1% à 1%) sur les mouvements de fonds, ceci afin d’alimenter le budget de l’État et des collectivités territoriales, à charge pour le législateur d’en assurer les modalités de recouvrement et de répartition. De la même qu’une taxe Tobin sur les mouvements de fonds internationaux pour alimenter l’aide aux pays émergents a été proposée au Parlement européen (qui ne l’a rejetée qu’à deux voix prés). Pourquoi ne pas appliquer ce système pour alimenter les budgets publics ? Un gouvernement qui prendrait cette initiative pourrait confier au Conseil économique et social la tâche de formuler études et simulations financières. Ce serait un bon test de la volonté de maintenir le service public.

 
Réduire enfin le travail clandestin

Un troisième domaine est l’objet de pratiques contestées, celui de l’emploi. Un large secteur de travail clandestin existe et perdure. Il échappe peu ou prou à tout contrôle et ne répond pas aux normes du code du travail. Il occupe une place importante dans l’économie de marché pour de multiples raisons. Or l’une de ses principales causes du travail au noir est la hantise, pour le particulier ou le chef d’entreprise, d’avoir à acquitter des charges qui doublent pratiquement celle des salaires.

On en réduirait la pratique si l’on s’engageait, une fois pour toutes, à dépénaliser le travail. Je pense en particulier à ces artisans ou responsables de PME qui refusent d’honorer des commandes plutôt que de faire appel à de la main d’œuvre supplémentaire et en payer les charges. Que l’on ne me dise pas que ces petits “patrons” sont des privilégiés : ils peinent souvent à engranger un revenu à peine égal au Smic.

L’État consacre des milliards d’euros à aider les entreprises à créer des emplois, mais sans contrôle suffisant a posteriori. Des sociétés, qui sont bénéficiaires, organisent des “licenciements boursiers” afin de recourir à de la main d’œuvre moins chère et acquitter moins de charges. De telles pratiques sont inacceptables. L’honneur d’un prochain gouvernement sera d’y mettre fin !

Les offres d’emplois sont souvent soumises à des critères trop sélectifs (tranches d’âges arbitrairement fixées, ségrégations de races ou de nationalités, etc.). Celles qui ne sont pas satisfaites sont souvent des offres de complaisance, leurs critères ne correspondent pas à ce que recherchent les demandeurs d’emplois, même au prix d’une formation préalable. C’est pour dissimuler ces distorsions qu’on a entrepris de supprimer les services publics de l’emploi pour leur substituer des officines privées, beaucoup moins regardantes sur la qualité de leurs prestations pour peu qu’elles satisfassent les exigences des employeurs.

Modifier les modes de recouvrement des charges sociales rendrait inopérantes ces pratiques, au moins pour une large part, dont celle du travail clandestin. La contrepartie devrait être un renforcement des services du contrôle et de l’inspection du travail.

J’ajoute que des exonérations fiscales liées aux bénéfices réinvestis dans l’entreprise seraient un sérieux coup de pouce pour orienter des capitaux disponibles vers la modernisation des outillages, l’augmentation des salaires, les capacités d’innovation et de recherche.

D’autre part, en ce qui concerne les retraités, ils sont doublement pénalisés par le système actuel. Ils ont cotisé toute leur vie parce qu’on leur a dit que c’était la condition pour avoir une retraite décente, mais quand vient l’âge de la retraite, on leur dit qu’ils doivent en outre abonder au budget de l’État et des collectivités locales. Sans compter les autres prélèvements obligatoires qui contribuent à réduire d’autant leur niveau de vie et qui les condamnent souvent à une mendicité publique qu’ils n’imaginaient pas !

Concluons clairement que le projet socialiste d’un super-impôt sur le revenu, fusionné avec la CSG, n’est pas bon. Que proposer d’alourdir l’impôt, sous sa forme de recouvrement actuel, est une annonce politiquement désastreuse, autant que la perspective d’un allègement est démagogique.

En attendant une réforme monétaire en profondeur, il convient dans l’immédiat de supprimer l’impôt sur le revenu sous sa forme actuelle, de même que le mode de recouvrement sur les salaires et les retraites parce qu’il est non seulement injuste, mais onéreux !

Prendre en considération ces revendications de bon sens serait pour les candidats à la magistrature suprême se doter d’atouts pour réussir.


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