Parallèles

Editorial
par  M.-L. DUBOIN
Publication : octobre 1985
Mise en ligne : 31 mars 2008

Il devient très difficile de trouver un quotidien qui n’annonce pas de nouvelles suppressions d’emplois, au point que la grande relève de l’homme par le robot, dans pratiquement toutes les tâches, commence à être un fait reconnu. Mais quand, partant de ce fait, on explique qu’il va bien falloir qu’on s’organise pour travailler moins (et nous, nous ajoutons : pour que les robots travaillent pour nous tous), on se heurte à des habitudes séculaires, voire millénaires, qui ont fait du travail une raison d’être  !... Qu’il est difficile alors dé faire admettre que ne plus être oblige, pour gagner son pouvoir d’achat, d’aller tous les jours accomplir une tâche précise et imposée, ne signifie pas n’avoir plus rien à faire !
Ceci est tellement nouveau, et parait donc si étrange, que beaucoup de gens répliquent avec conviction que dans une economie distributive, (c’est-à-dire gérée de façon à partager le travail qui reste entre tous, et en donnant à tous un pouvoir d’achat croissant avec la production,) tout le monde s’ennuierait abominablement et, par conséquent, se mettrait à boire ou à se droguer.
Evidemment, rien ne prouve de telles affirmations. On peut montrer, au contraire, qu’il existe une foule d’activités, susceptibles de procurer d’immenses et saines satisfactions, mais qui nous sont actuellement interdites dans ce système economique, parce que « non rentables ». Il est d’autre part fort probable que le nombre et la diversité de ces occupations ne pourraient que croître dans une societe qui pourrait se donner les moyens de consacrer à l’enseignement et à la recherche une part de son activité beaucoup plus importante qu’aujourd’hui.
Mais n’essayons même pas de spéculer sur ce qui serait ou ne serait pas dans d’autres condi tions. Regardons la réalité.

***

Côté Est, on vient d’apprendre que le gouvernement de l’URSS a pris d’énergiques et sévères mesures pour essayer de diminuer la consommation d’alcool. Je n’ai plus en mémoire les chiffres publies alors sur la consommation de Vodka par les soviétiques, mais cela ne m’a pas semble être l’indice que la majorité d’entre eux soient tellement «  bien dans leur peau ».
Côte Ouest, est-ce mieux ? Un hebdomadaire americain, FORTUNE, a publie en juin dernier une enquête édifiante de huit pages sur un aspect trop méconnu de cette société qui s’enorgueillit d’avoir des cadres tellement dynamiques et si hautement compétitifs... Sous le titre « Traînée de poudre à Wall Streat », LE MONDE du 16 Août a resumé cette enquête :
« Cocaïne, médicaments divers, voire héroïne, les drogues ont frappé le monde des affaires comme une tempête », dit le directeur d’une chaîne d’hôpitaux spécialisés dans la désintoxication. Il assure avoir constaté depuis cinq ans une augmentation de 100 du nombre des dirigeants de haut niveau venus le consulter.
Les raisons de cette traînée de poudre ?... Dans leurs fonctions, les qualités prêtées notamment à la cocaïne - « défonce » favorite des boursiers et des managers - leur paraissent d’autant plus attirantes : confiance en soi accrue, absence de scrupules, résistance au stress, etc...  »
Ces qualités tant recherchées font donc l’affaire des revendeurs de drogue qui se « recrutent, eux aussi, précise l’hebdomadaire américain, dans les rangs des managers de très haut niveau. Ainsi du Président d’une des cinq cents premières entreprises cotées à la Bourse de New-York. Il organise, selon un témoin cité par la revue, après ses réunions de travail, à l’hôtel Plaza, pour des clients privilégiés des parties décrites en trois mots : limos, bimbos and lines (limousines, filles et lignes (de cocaïne)...
Enfin, la pratique s’est à ce point répandue... qu’on trouve à Manhatta, dans les boutiques spécialisées dans les articles pour drogués (!) la panoplie de parfait cocaïnomane... vendue dans une élégante pochette ».
L’enquête explique qu’il n’est pas facile de déceler, au début, les cadres qui se droguent, car « le premier symptôme, la paranoïa, ne les distinguent pas toujours aisément de leurs pairs ». LE MONDE rapporte que cette situation devient désastreuse pour l’entreprise qui emploie ces cadres. Et pas seulement à cause de la difficulté de les déceler au début, puis de les amener à accepter une cure de désintoxication. Non, l’embarras de ces entreprises, explique l’enquête, est que « cette défonce n’a pas pour elle que des inconvénients. Les cadres drogués à la cocaïne sont aussi souvent, du moins jusqu’à un certain point, des intoxiqués du boulot. Certains employeurs, surtout à la Bourse, note FORTUNE non sans quelque embarras, ont une attitude ambiguë face à ce problème, redoutant de voir leurs meilleurs éléments, une fois désintoxiqués, perdre leurs « qualités ».

***

Voici donc la réalité : deux systèmes actuellement existent ; dans l’un, la population noie sa peur du goulag dans la vodka, dans l’autre, on se « défonce » pour être plus compétitifs. Allons, ces deux systèmes qui s’opposent ne nous apportent-ils pas la preuve qu’un autre, fort différent des deux, pourrait difficilement être pire !


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