Le Sol

Pour revenir au fondement des échanges
Tribune libre
par  A. OTHELET
Mise en ligne : 31 janvier 2008

Le projet Sol, dont nous avons souvent parlé déjà, vient de s’implanter dans la région de Belfort et de Montbéliard. À cette occasion, son animateur local, le sociologue Axel Othelet rappelle à nos lecteurs l’essentiel de la volonté qui est à la base de cette monnaie qui est “parallèle” donc conçue pour circuler parallèlement à la monnaie capitaliste :

L’être humain a besoin de relations sociales et d’échanges. C’est son fondement ontologique d’animal social. Or, la base des échanges comme lien et interdépendance est devenue, avec la création de la monnaie, une dérive centrée sur l’accumulation et la spéculation. La marchandisation des biens et des services a eu raison de la pureté des échanges. Ce constat est bien connu, c’est pourquoi il est inutile de s’étendre sur ce préambule.

En revanche, ce qui est moins connu demeure les tentatives de solutions pour contrarier le système du tout spéculatif. Ces solutions se trouvent dans le fourmillement d’idées des acteurs du développement local et durable et de l’économie sociale et solidaire. Depuis 1999, par la voie de quatre grands acteurs de l’économie sociale : la Macif, la Maif, le Crédit coopératif et Chèque déjeuner, l’idée de créer une monnaie alternative électronique se fait jour, le Sol. Elle est influencée par les différentes expériences des pays d’Amérique Latine portant sur les monnaies locales ou complémentaires, voire alternatives, dans le cas de faillite du système monétaire classique, à l’image de ce qu’a connu l’Argentine en 2001. Elle trouve sa source dans le système monétaire classique en inversant son précepte de base : celui de la spéculation pour le transformer en perdition et en éthique de l’achat basée sur la solidarité.

Expliquons-nous : alors que la monnaie classique permet toutes sortes de placements afin d’obtenir une rentabilité pour le placeur et permet des achats en tout genre, parfois dépassant les principes de base de l’éthicité, notre monnaie Sol ne peut être placée tout en favorisant des achats limités dans une perspective solidaire ou pédagogique. En effet, si le soliste (porteur de la carte Sol) ne dépense pas ses Sol, ceux-ci seront perdus pour lui à différentes échéances. En revanche, ils ne seront pas perdus pour tout le monde, puisqu’ils permettront d’alimenter un fonds destiné à soutenir des micro-projets. Premier exemple de solidarité.

Permettre l’achat de biens ou de services dans le secteur du commerce équitable, des produits biologiques… favorise le soutien de ces secteurs d’activités qui, bien qu’en développement, ne représentent qu’un poids relatif dans les flux commerciaux. Montrer son soutien à ceux qui défendent la juste rémunération des producteurs dans les pays pauvres et des producteurs locaux complètement dépassés par les grandes multinationales, voilà un second exemple de solidarité.

Transformer le temps de bénévolat en Sol, c’est valoriser le travail invisible au sens du PIB comme nous l’a bien montré P. Viveret dans son rapport « les nouveaux facteurs de richesse ». Mettre à profit ce temps dans le cadre d’un réseau d’inter échanges de services entre plusieurs associations, c’est le signe d’un troisième exemple de solidarité.

Les vertus d’un tel type de dispositif sont nombreuses et, tout son intérêt demeure dans la possibilité pour chaque utilisateur ou prestataire de services d’en trouver d’autres en fonction de ses propres préoccupations. En effet, s’inscrivant dans le cadre d’une expérimentation jusque fin 2008 et dans les dynamiques de développement local, la forme du Sol peut s’adapter en fonction des réalités, des ressources et contraintes territoriales. C’est pourquoi, il est une innovation sociale dans la mesure où l’imagination des acteurs lui permettra de s’étendre.

Par ailleurs, le Sol a ceci de particulier qu’il allie des éléments originels de l’économie avec la modernité en ce sens qu’il revient aux principes de base de l’échange tout en s’appuyant sur un dispositif informatique très sophistiqué. L’objectif de ses promoteurs de développer le dispositif sous la forme informatique est explicitement éthique au sens où il permet d’éviter les dérives rencontrées dans d’autres expériences de monnaies alternatives. Une monnaie complémentaire dite fiduciaire, même lorsqu’elle ne prend pas les couleurs de l’euro ou du dollar, peut présenter des risques de spéculation ou de « délinquance » dès lors qu’elle permet de se procurer des biens ou services avec. Avec le Sol, ce risque est limité dans la mesure où la carte à puce est nominative et qu’elle sait détecter le type de sol contenu en écriture (sol coopération, engagement ou affecté) tout en orientant le porteur de la carte vers un type précis de consommation. L’exercice est encadré, il y a des fois où la pédagogie s’avère plus forte que ses détracteurs.

Dans un monde en tension manifeste où les enjeux autour de l’amenuisement des principales énergies peut faire craindre au pire, retrouver du sens à l’échange, à l’interdépendance qui constitue le socle des sociétés humaines, n’est-ce pas là un beau projet qui peut redonner un véritable contenu au vivre ensemble ?


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