Au fil des jours

Chronique
par  G.-H. BRISSÉ
Mise en ligne : 31 janvier 2008

Ce mois-ci, c’est Gérard-Henri Brissé qui a suivi pour nous le fil de l’actualité dans la grande presse…

L’actuel président de la République a été comparé à un talentueux bateleur de foire : l’avocat qu’il fut n’a pas son pareil pour plaider une cause, pour assurer la défense de ses amis, qui se retrouvent au Fouquet’s, sur un yacht de luxe ou dans la maison de campagne de son grand ami G.W. Bush, le bien connu défenseur planétaire des droits de l’homme. Il n’a pas son pareil pour obtenir la libération des otages de diverses organisations politiques contestées, … en échange de quoi ?

Mais on peut être un remarquable avocat, donner le change par des artifices oratoires, s’entourer de bonne plumes pour préparer ses dossiers, et, à l’expérience, se révéler un piètre magistrat suprême pour le peuple de France. Celui-ci attend de lui qu’il cesse de lui faire payer les avantages, fiscaux et autres, concédés à une minorité de super-privilégiés, d’appuyer les revendications d’une seule organisation syndicale, la patronale, qu’il entende les clameurs des plus déshérités et de s’exhiber au milieu des plus riches.

 Par delà les subterfuges

Travailler plus pour gagner plus ! Son slogan est lancé. Fallait-il pour autant augmenter substantiellement ses propres émoluments ? Alors que 85 % de ses compatriotes peinent pour freiner la décrue de leur pouvoir d’achat ? — On rétorque qu’il fallait mettre de l’ordre dans le budget de l’Élysée, fait de bric et de broc. Soit ! Mais le moment était-il bien choisi pour entreprendre pareille démarche ?

Comment faire comprendre à ce président, qui est entouré d’une Cour de béni-oui-oui, que l’on ne gère pas la France comme on administre le triangle Neuilly-Auteuil-Passy ? Que gérer le pays comme le Conseil Général du département des Hauts-de Seine, qui est le plus riche de France, c’est prendre le risque de créer une situation insurrectionnelle ?

J’ai déjà maintes fois suggéré l’introduction d’une taxe obligatoire de 0,1 % sur les transferts bancaires, sachant bien que dans certains milieux ceux-ci s’opèrent souvent en numéraire et échappent ainsi à tout contrôle — un grand patron, qui mettait de côté des millions d’euros au profit d’une “caisse noire” patronale, le sait bien. Ce mode de recouvrement de l’argent public ne serait nullement une nouvelle variante d’un impôt sur le capital : ce serait une façon à la fois simple, efficace et facile à mettre en œuvre, d’accroitre le budget des ménages. Car ceci permettrait, en effet, de dépénaliser le travail et de supprimer l’impôt sur le revenu sous sa forme actuelle, avec les “niches fiscales” qu’il génère, englobant les budgets de la Sécurité Sociale et des retraites, véritables “monstres du Loch Ness” du déficit, qui ne feront que s’aggraver d’année en année pour des raisons technologiques et démographiques, par delà toutes les mesures qui seront prises pour en assurer une bonne et saine gestion.

Il faut admettre, une fois pour toutes, que le mode de recouvrement actuel du budget de l’État et des services publics n’est pas le bon parce qu’il repose sur des salaires qui ont évolué vers la précarité et le temps partiel, entraînant une diminution inexorable des cotisations. Selon le slogan officiel, travailler plus serait gagner plus, donc cotiser plus, mais comme les heures supplémentaires sont maintenant exemptées de cotisation, cela ne marche pas !

Notre très chrétienne ministre Christine Boutin devrait penser que les enfants de Don Quichotte sont aussi des enfants du Bon Dieu, et quand on les voyait être bousculés ou basculer dans l’eau devant Notre-Dame, on pensait à Michel Audiard qui, lui, ne voulait pas les voir traiter comme des canards sauvages*.

Le dernier affront qu’aurait pu faire à son hôte, et auquel n’a pas pensé le pourtant inventif colonel Kadhafi, eût été, avant de partir, de leur offrir sa tente !

Paul Vincent.

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*allusion au titre de l’un de ses films les plus célèbres

 Grève de gratuité

Nos lecteurs se souviennent que La Grande Relève a publié, dans son numéro d’octobre dernier, un article de Franck Vasseur intitulé “Une grève peut être sympathique et efficace”, qui montrait la possibilité et l’intérêt d’une grève de gratuité.

Il se trouve que le quotidien France Soir, dans son numéro du 7 novembre, donc un mois plus tard, publiait un article allant dans le même sens : il annonçait “Une grève de la gratuité” proposée par le Syndicat Sud-Rail et la Fédération des Usagers des transports et des Servies publics qui permettrait aux voyageurs de “circuler sans payer”. Une telle proposition joindrait évidemment l’efficacité au souci de ne pas indisposer des usagers qui sont des travailleurs comme les autres.

Or, en novembre dernier, on a assisté, en réaction à un accident de circulation, à de véritables émeutes qui se sont produites au moment des grèves. Ces incidents ont montré que le danger existe qu’un gouvernement manipulateur utilise les grèves sous leur forme traditionnelle pour persuader la population que toute manifestation est assimilable à celle de voyous susceptibles d’être poursuivis en justice…

 La justice en question

…Ou à ce qu’il restera de justice après la suppression de quelque trois cents juridictions sur tout le territoire national ! À ce propos, il va bien falloir vider les prisons, car elles débordent, donc relâcher des citoyens présumés innocents jusqu’à leur jugement. À défaut d’une loi d’amnistie, entachée de populisme, et faute de tribunaux pour les juger, on élargira ceux qu’on avait préjugés suspects… !

Quant à la suppression des tribunaux de commerce et des conseils de prud’hommes, elle arrange bien certains. Alors, va-t-on remplacer ces tribunaux par des “maisons de la justice et du droit” où seront exercées des fonctions d’arbitrage, au prix de plusieurs centaines de millions d’euros ? Les licenciements d’entreprises se feraient alors par consentement mutuel, et le code du travail, ce monument de 2.400 pages et quelque 400 lois, serait réduit à sa plus simple expression, à l’instar de l’ex-traité de constitution européenne, trituré en “traité simplifié” sans que le bon peuple soit consulté…

 Allègements de charges

L’hebdomadaire Marianne, dans son numéro daté du 3 au 9/11/2007, annonçait que « le syndicat voudrait faire modifier le système des allègements de charges pour qu’il devienne favorable aux augmentations de salaires ». Notons en effet que ces derniers pourraient, pratiquement, être doublés par la suppression des charges et que l’État pourrait récupèrer ce manque à gagner par les rentrées de TVA qui seraient engendrées par la consommation des produits et services faisant peu appel aux importations. Les entreprises y trouveraient un intérêt à recruter. Et ceci permettrait de régulariser, au moins pour une large part, le travail clandestin.

Mieux, un revenu social garanti permettrait de juguler l’inflation dont il constituerait même un outil de maîtrise. Il peut être organisé à l’aide d’une variante de code-barres et de cartes de crédit spécifiques, faciles à instaurer en encadrant la consommation, sans être pour autant une entrave à la liberté d’accès aux produits ou aux services largement disponibles sur le marché.

 Privatisation des services publics

Dans cette même édition de Marianne, je lis que la privatisation forcenée de la poste et des télécommunications, services publics s’il en est, et que nous avons si souvent dénoncée, a abouti en fait, sous le couvert d’une concurrence dévoyée, à l’entente et à la domination de trois grands groupes… dont les marges sont très juteuses. Environ 40 % !

Quant aux banques, elles seraient contraintes à « pratiquer la vérité des prix », donc « à facturer clairement leurs services ». Ce qui serait une petite avancée en faveur du consommateur, car ce dernier ne comprend plus rien dans la masse des “agios”, “frais de fonctionnement”, “cotisations d’assurance”, et autres, qui émaillent son compte bancaire et grèvent de plus en plus lourdement son budget. Mais si sa banque lui propose des “placements” dits de “bons pères de famille” à 4 % et que, parallèlement, elle lui facture des “agios” ou des “incidents de paiement” à 17,5 %, c’est de l’arnaque ou je ne m’y connais pas !

Laissons vivre les banques, mais on pourrait bien exiger, en contrepartie des intérêts dont elles bénéficient, qu’elles pilotent une cotisation obligatoire de 0,1 % sur les transferts bancaires.

« Ainsi que la plupart des gens de ma génération, j’ai été élevé selon le principe que l’oisiveté est mère de tous vices. Comme j’étais un enfant pétri de vertu, je croyais tout ce qu’on me disait, et je me suis ainsi doté d’une conscience qui m’a contraint à peiner au travail toute ma vie. Cependant, si mes actions ont toujours été soumises à ma conscience, mes idées, en revanche, ont subi une révolution. En effet, j’en suis venu à penser que l’on travaille beaucoup trop de par le monde, que de voir dans le travail une vertu cause un tort immense, et qu’il importe à présent de faire valoir dans les pays industrialisés un point de vue qui diffère radicalement des préceptes traditionnels.

Les méthodes de production modernes nous ont donné la possibilité de permettre à tous de vivre dans l’aisance et la sécurité. Nous avons choisi, à la place, le surmenage pour les uns et la misère pour les autres : en cela, nous nous sommes montrés bien bêtes, mais il n’y a pas de raison pour persévérer dans notre bêtise indéfiniment. »

Bertrand Russel
Éloge de l’oisiveté (éd. Allia, Paris 2002)
(envoi de Serge Bagu).

 Métapolitique

La grande presse avance une autre suggestion, celle d’une « politique massive de construction pour résorber un déficit d’un million de logements en France » ; cette issue passe « par une taxation dissuasive des plus-values issues de la spéculation pour pouvoir aménager plus de logements sociaux ». À côté de cette nécessité absolue, « le droit au logement opposable » est bien superfétatoire !

Bien “légères” paraissent d’autres orientations. Par exemple la maîtrise des prix à la consommation, alors que les prix des matières premières ne cessent d’augmenter ! Alors qu’on observe, en France, des vols, purs et simples, de métaux lourds et de câbles électriques destinés à la revente. Et des migrations de la faim, comme dans un pays du tiers monde. Voilà des années que je suggère la constitution, à l’échelle planétaire, d’un stock de matières premières et l’instauration d’une monnaie de réserve mondiale de référence qui soit soustraite aux aléas de la spéculation.

S’agissant des produits alimentaires, on s’était habitué à ce qu’il y ait trop de lait, trop de blé, trop de sucre, trop de choux-fleurs ou de fraises, etc. L’introduction sur le marché des produits qu’on nomme improprement “bio-carburants”, c’est-à-dire de carburants issus de végétaux et censés concurrencer le pétrole, nous persuade maintenant du contraire. Mais dans la GR 1080, l’étude signée Dominique Guillet intitulée “Mettez du sang dans votre moteur” nous a mis en garde, à juste titre, contre un pareil dérapage. S’il faut des bio-carburants, que ce ne soit pas au risque de mettre en péril l’équilibre alimentaire ! Mais en faut-il ?

S’agissant des OGM, leur degré de nocivités sur les organismes n’est pas établi, et ils peuvent s’étendre à d’autres cultures, la plus grande prudence s’impose donc à leur égard, comme l’a souligné avec force José Bové. Un moratoire de quelques mois, et en plein hiver, apparaît bien dérisoire, alors qu’on a laissé se développer en France et en Europe un lobby pro-OGM qu’il va s’avèrer difficile d’endiguer…

On relève également dans la grande presse d’intéressantes considérations sur la gestion de l’eau, matière première ultra-sensible s’il en est, reprise en mains par des municipalités ou par des communautés de communes. Marianne signale une récente étude de Que Choisir ? sur la gestion du service public de l’eau qui fait état « d’importants écarts de prix d’une commune à l’autre », qui se répercutent évidemment sur les taxes locales. Les bons élèves se recrutent parmi les communes ayant repris en régie leur gestion de l’eau.

 Bonne année !

Les “réformes” imposées au pays sont-elles adéquates et conformes aux attentes du plus grand nombre ?

— On est en droit d’en douter. Car l’une des dernières en date, la fusion de Suez et d’EDF, puis la mainmise de l’État sur 3 % du capital d’EDF, soi-disant au profit des universités, ramenée finalement à 2,5 %, soit 3,7 milliards au prix d’une dégringolade boursière pour EDF, est l’un de ces tours de passe-passe qui s’assimile à une opération financière douteuse, à l’instar de l’instauration, dans les années 1950, de la vignette auto destinée à des personnes âgées… qui n’en ont jamais vu la couleur !

— Qui paiera ce manque à gagner pour EDF ?

— Bien entendu, les usagers ! Comme naguère les clients des Telécom !

Déjà, de nouvelles hausses des tarifs du gaz et de l’électricité sont prévues, sans contrepartie de hausse des salaires, des retraites ou des moyens accordés aux collectivités. Alors, on peut bien nous annoncer aussi une grande “conférence” (une de plus !) des partenaires sociaux sur les sujets ultra-sensibles que sont la hausse des prix et la baisse du niveau de vie… on sait que, contraints par le poids de la dette publique, les représentants du gouvernement auront les poches vides !! Comme Anne, ma soeur Anne, du haut de leur tour branlante aux pieds d’argile, ils attendent la hausse de la croissance et des activités productrices de richesses, disent-ils.

En fait, au cours des deux dernières décennies, la richesse nationale a été multipliée par presque cinq : ce sont donc les modalités de sa répartition qui sont à revoir ! Olivier Besancenot l’affirme également, avec grand courage et beaucoup de bon sens. Malheureusement, il ne propose aucun remède pour en sortir : il en reste à une “lutte des classes” fort hypothétique tellement les choses ont changé depuis le temps où vivait Karl Marx !

— En résumé, qu’a-t-on entrepris pour améliorer le niveau de vie des jeunes, des salariés “moyens” et des retraités ?

— Ils ont eu droit à de beaux discours.

Afin de ne pas effaroucher le bon peuple, les médias n’évoquent plus la montée de l’insécurité depuis le scrutin présidentiel. Mais ce n’est pas en “jugeant” les coupables de troubles, en leur mettant des bracelets électroniques et en installant quelques caméras supplémentaires que l’on résoudra les graves défis qui se posent à une société en pleine mutation.

Comme ce n’est pas en faisant payer des “franchises médicales”, à l’exemple d’une assurance privée, que l’on trouvera une solution aux problèmes de santé.

Pas plus qu’en imposant des “cartes” —scolaire, sanitaire, judiciaire etc.—, extrêment restrictives, sous prétexte d’évolutions démographiques.

Tout cela nous ramène au XIXème siècle.

Sous prétexte d’économies financières, la France est entrée en régression !


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